
On l’avait laissé pour mort à Aguascalientes. Le 24 Avril 2010, un journal mexicain titrait : « José Tomas en una charca de sangre ! » Le mundillo bouleversé, le mythe disparu, la ruina…
Ce Samedi 23 Juillet, tout autour de la plaza de toros de Valencia, ou bien dans les rues alentour, on ne parlait que de lui. De l’aube à la nuit, le seul sujet de conversation fut José Tomas. Demander à quiconque si les deux oreilles de Manzanarez coupées la veille étaient justifiées et vous aviez l’air complètement hors sujet, on vous regardait comme un extraterrestre qui ne croit pas aux humains. Valencia hier n’était plus la ville chérie de Ponce, José Tomas avait pris place dans la huerta et parler d’autre chose relevait d’un anachronisme des plus vulgaires. Pour tout vous dire, peu de gens savaient que Victor Puerto ouvrirait le cartel d’ici quelques heures, le seul souci pour les malchanceux était de trouver une place et pour les autres de savoir si la pluie annoncée serait forte ou pas. Au matin, devant les arènes, la file d’attente encore plus longue qu’à Barcelone et mieux organisée, certains ont dormi là sur des pliants, avec la merienda et des cartons de vin, le « botellon », quoi, la fête. Vers treize heures, ils nous ont laissé aller voir la mise en chiqueros, cette coutume rend la plaza de Valencia des plus sympathiques et on y rencontre plein d’aficionados, peu de français à vrai dire. Vers 17 heures trente, un vent mauvais s’est levé, on venait d’éviter la pluie mais à choisir, j’aurai préféré garder le ciel lourd et menaçant plutôt que cet « aire » synonyme de danger, mais on prend ce qui vient bien sûr.
Dix neuf heures, Victor Puerto sort en premier très applaudi, une bonne minute après suit Arturo Saldivar, et , alors que Cano (Canito) est en train d’embrasser Victor Puerto , le grand vacarme assourdissant et qui donne le frisson, le tonnerre, le big bang, José vient de rentrer en piste, mauve clair et or, attirant sur lui la cinquantaine de photographes qui le mitraillent, le public debout va applaudir tout le temps du paseo. Un public comblé, que d’efforts de fric de temps cela aura coûté à chacun, mais on est enfin récompensé, maintenant, tout le monde est heureux, c’est peut-être cela le bonheur, une joie imbécile mais tellement vivifiante, inexplicable mais qui cherche à comprendre ? Voir José Tomas faire le paseo, je fais comme les autres, j’en oublie ses compagnons de cartel, et, si vous allez jusqu’au bout de ma reseña, vous verrez que j’en rate pas une ! Salut de l’artiste au tiers sous la demande du public, aujourd’hui, inviter les deux autres toreros aurait été une faute, d’ailleurs ils applaudissent avec nous l’homme blessé qui revient guéri et Victor Puerto lui brinde son premier toro. Toro noble mais sans trop de forces, qu’il faut épargner, Victor le fait bien mais tue mal :Aplausos. Son second aurait sûrement été meilleur, mais handicapé, il ne permet rien . Arturo Saldivar se veut la copie du maître, mais à imiter systématiquement l’autre, cela vous enlève toute originalité, toute imagination, et votre personnalité reste en retrait. Il touche le meilleur toro de la tarde, son premier à qui il coupe une oreillette, oreille aussi au second, on y reviendra.
José Tomas nous rassure de suite sur un quite à Puerto. Il a du sitio, et malgré le vent qui empêche de bien terminer les véroniques, le torero est bien là et : « El, manda ». Bien au capote sur son premier. Il brinde à l’équipe médicale qui l’a soigné de la cornada du Mexique, et José prend la muleta. Des tandas à faire frissonner un mort, des naturelles d’une nouvelle forme, à vous couper le souffle, mais le vent dérange la faena et il se fera désarmer deux fois, une demi-lame efficace, aplausos nourris et salut au tiers.
Le deuxième est brindé au public au centre du ruedo en même temps que la banda joue pour le cinquième toro. Il le cite de là, du centre sur la corne gauche, celle qu’on a vu serrer au capote, le toro répond et au dernier moment dérote, mais l’autre a encore oublié son corps à l’hôtel et au lieu de rompre joue au Tancrede, une demi seconde plus tard, il est pris de plein fouet, vole dans les airs, et retombe de tout son poids, tout le monde se précipite au quite mais le toro n’a pas fini le boulot et en raclant le sol passe la corne gauche à un doigt du cou du torero. On sort José dans le callejon, et là se joue toute la tarde, s’il s’en va via l’infirmerie on n’aura plus qu’à dire : « tout ça pour ça.. » et le retour va ressembler à un loupé magistral (Par contre s’il revient en piste, on prend tous rendez-vous chez le cardio en rentrant !) Il revient, et là je peux vous affirmer que ce qu’il va faire sur cette faena c’est vraiment ce que j’ai vu faire de plus important à José depuis que je le suis. Laissant tout l’avantage au toro, en citant toujours de loin, en commençant par la corne assassine, en le sortant gentiment des querencias, comme pour lui apprendre, en chargeant la suerte , en obligeant sans bouger, sans faire un seul pas de retrait devant l’autre qui serre à chaque passe. J’ai encore une série de naturelles en tête, en tout début de faena, il cite à gauche, d’assez loin, ça passe, une autre sans perdre de terrain ça passe mais de plus près, encore une, ça passe au millimètre, la quatrième avec un changement de mains sous le OLE. Il reste figé et le toro aussi, cette scène seul un peintre peut la raconter sur toile, deux ou trois secondes d’anthologie ou les deux attendent , le toro revient pour prendre un trincherazo de catégorie, la plaza en pié. Le bonheur est dans le ruedo ! La faena prend fin par des « manoletinas de la casa », s’ensuit un estoconazo dans la croix, hasta la bola, et le toro tombe. Deux oreilles, enfin je mens une seule sera accordée mais pour tout le monde c’est deux, je vous dis pas la bronca à la présidence. José Tomas fait la vuelta, je suis sur un nuage mais un gros, un cumulus et dès que le maestro est passé devant moi, je sors a fond pour aller l’attendre au camion. Une fois dehors je réalise que la corrida n’est pas terminée, il reste le dernier toro pour Saldivar et le suis comme un con à l’extérieur sans pouvoir re rentrer, je vous avais dit que j’avais fait fort ! Donc je n’en sais pas plus que vous sur cette dernière oreille, d’Arturo.
La sortie à hombros de Saldivar se passe dans l’indifférence générale alors que pour le maestro la police organise tout un chemin de barrières jusqu’au camion et ce n’est pas sans mal que José peut prendre place dans son véhicule. Mais je ne développe pas, je vous l’ai déjà faite celle là.
Voilà, tout s’est bien passé, on a de nouveau José Tomas dans les ruedos, et apparemment la « Tomasmania » n’est pas près de s’éteindre.
A la prochaine
TIERRY GIRARD
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